ÉCOLE D’ÉTÉ EN NEUROÉDUCATION - ÉDITION 2019
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
26-28 JUIN 2019
VIDÉOS ET COMPTES RENDUS DE TOUTES LES CONFÉRENCES (8) /
VIDEOS AND SUMMARIES OF ALL KEYNOTES (8)
1. MIEUX CONNAITRE LES MYTHES SUR LE FONCTIONNEMENT DU CERVEAU POUR MIEUX ENSEIGNER
CONFÉRENCE DE STEVE MASSON
Steve Masson nous présente une sélection des neuromythes les plus fréquents, ces intuitions ou croyances que chacun peut avoir sur le fonctionnement cérébral, mais qui sont erronées ou inexactes. Le but est de nous sensibiliser à leur existence afin d’apprendre à les reconnaître et éviter d'adapter notre enseignement à ces neuromythes.
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Y a-t-il un neuromythe plus répandu que les autres?
Oui, le neuromythe faisant référence aux « styles d’apprentissages ». Selon ce neuromythe, les élèves apprendraient mieux lorsque l’information leur est présentée dans la modalité sensorielle qu’ils préfèrent, à savoir visuelle, auditive ou kinesthésique. Bien que chaque élève puisse avoir une préférence liée à un mode de présentation de l’information, la recherche montre que d’enseigner en tenant compte de la préférence de chacun ne produit pas un plus grand apprentissage. Les élèves n’apprendraient pas mieux lorsque le contenu leur est présenté dans la modalité qu’ils préfèrent. C’est pourquoi il est qualifié de neuromythe. En conséquence, il ne serait pas pertinent de chercher à adapter spécifiquement et systématiquement le mode de présentation de l’information à la préférence de l’apprenant. Il serait préférable de varier les modalités de présentation des informations pour tous les élèves.
À quel point les neuromythes sont-ils répandus au Québec?
Une étude parue en 2019 de Jérémie Blanchette Sarrasin, Steve Masson et Martin Riopel montre que la situation au Québec semble légèrement plus favorable qu’à l’international, bien qu’on ne sache pas ce qui explique cette différence. Cependant, ce sont tout de même 74% des enseignants qui adhéreraient à la croyance erronée des styles d’apprentissage, 68% aux intelligences multiples, 57% à la dominance hémisphérique, 46% aux exercices de coordination et 44% à l’utilisation de 10% du cerveau. Ces mêmes enseignants identifient principalement la formation universitaire, le fait que ces croyances semblent logiques de prime abord, et l’observation dans la pratique enseignante comme sources de leurs croyances.
Comment peut-on s’en prémunir?
En plus de prêter attention au contenu véhiculé dans le cadre de la formation universitaire en enseignement, il semble pertinent d’encourager les enseignants à la prudence dans l’interprétation de leurs observations, dans la mise en application de leurs intuitions et des conclusions qu’ils en tirent. Il est aussi recommandé d’adopter un regard critique à l’égard des diverses sources d’informations rencontrées, a fortiori si elles ne sont pas scientifiques, comme les livres, les magazines ou internet.
2. Principes de base en anatomie et fonctions cérébrales pour le domaine de l'éducation
CONFÉRENCE DE BRUNO DUBUC
À travers l’exploration systématique de 12 grands principes régissant le cerveau, Bruno Dubuc nous éclaire sur le fonctionnement de cet organe si complexe. Voici une brève synthèse de morceaux choisis.
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Comment les sciences, aujourd’hui, voient-elles le cerveau?
Il s’agit d’un organe très dense fait de multiples niveaux d’organisation et d’interactions : lui-même, sa place dans le corps, et la place de l’individu dans l’environnement. Pour comprendre le cerveau, aucun de ces niveaux ne peut être ignoré. Au niveau cellulaire, ce sont entre autres 86 milliards de neurones qui occupent notre cerveau. Grâce à leurs milliers de connexions chacun, ils fonctionnent comme des intégrateurs d’information. Concrètement, l’évolution nous a doté de boucles de rétroactions perception-action, afin d’assurer un transport rapide de l’information, et donc une prise de décision rapide, dans le but de s’adapter à des environnements changeants. Les mécanismes de perception-action sont complétés par des aires de traitement multimodal de l’information, afin d’intégrer les éléments moteurs et sensoriels dans une même représentation de l’environnement. Il faut préciser que la vision actuelle de l’organisation cérébrale suggère qu’aucune région n’aurait un rôle unique. Le cerveau semble plutôt être un ensemble d’interconnexions. Cette complexité se serait développée notamment dans le but de constamment anticiper des événements et résultats possibles. Pour cela, le cerveau élabore et projette en permanence des modèles prédictifs. C’est pourquoi il n’est jamais au repos.
Pourquoi le temps est-il un facteur crucial quand il est question de cerveau?
Tout est dynamique dans le cerveau, bien qu’à des échelles de temps différentes selon le processus. Par exemple, la perception se fait en secondes, l’apprentissage en jours, le développement à travers la vie. En conséquence, la distinction structure-fonction est illusoire : la fonction dans les processus cérébraux est en fait un phénomène dynamique de changements, donc structurel. Ainsi, le cerveau a besoin de temps pour s’adapter. L’activité cérébrale est contrainte par la structure du cerveau, mais avec le temps il se modifie lui-même, donc change ses propres contraintes. Par exemple, la neuromodulation est un des mécanismes cérébraux à l’œuvre dans le cerveau qui n’a pas d’effet immédiat. Elle vise à réguler l’activité neuronale. Plus précisément, elle permet de favoriser et d’activer certains réseaux neuronaux spécifiques et d’en faire taire d’autres, afin de moduler l’activité cérébrale et d’obtenir le résultat le plus efficient possible, selon le but visé (survie, reproduction, apprentissage, etc.). Cela va de pair avec une évolution constante des connexions neuronales (augmentation ou diminution), causée par la répétition de certaines activations neuronales. Des laps de temps assez longs sont donc indispensables pour observer des effets dans le cerveau suite à une nouvelle situation ou à de nouvelles informations.
3. LE CERVEAU ENSEIGNÉ AUX ÉLÈVES
CONFÉRENCE DE JÉRÉMIE BLANCHETTE SARRASIN ET DE CÉLINE LANOË
Dans la première partie, Jérémie Blanchette Sarrasin nous présente les liens entre la neuroplasticité, les différentes conceptions de l’intelligence et leurs effets sur les performances scolaires.
Dans la deuxième partie, Céline Lanoë propose un modèle d’intervention adapté à la salle de classe, pour enseigner le cerveau aux élèves
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Conception de l'intelligence et neuroplasticité
La littérature scientifique recense deux pôles liés à la conception de l’intelligence : fixe et dynamique. Un individu ayant une conception fixe de l’intelligence croit que son intelligence est prédéterminée et ne peut donc pas évoluer. À l’inverse, avoir une conception dynamique suppose de croire que le changement est possible. En faisant découvrir aux élèves le concept de neuroplasticité, qui signifie que le cerveau change au cours de la vie et des apprentissages, la recherche suggère qu’il serait possible de venir remettre en question la conception fixe de l’intelligence qu’ont certains élèves.
Quels sont les effets sur les élèves?
Enseigner aux élèves que le cerveau est plastique semble favoriser chez eux une conception plus dynamique de l’intelligence. Ainsi, parce qu’ils croient qu’il est possible de s’améliorer, ces élèves activeraient davantage des mécanismes de correction d’erreurs. Ces changements semblent s’accompagner d’effets bénéfiques sur la motivation et les résultats scolaire, particulièrement chez les élèves à risque en mathématiques.
Comment faire? Qu’implique « enseigner le cerveau aux élèves »?
Céline Lanoë et son équipe ont élaboré une série de séquences d’étude pouvant s’adresser, sous réserve d’ajustements minimes, autant à des enfants du préscolaire qu’à des adolescents. Chaque séquence vise à faire découvrir le cerveau aux élèves : sa composition, son organisation, sa croissance, son rôle, ses activations, etc. Le but est d’aider les apprenants à mieux connaître leur principal outil d’apprentissage. En complément, sont également explorées des façons d'aider notre cerveau lors de certaines tâches, donnant ainsi l’occasion de découvrir à travers des activités ludiques les concepts de métacognition, de concentration, ou encore d’inhibition, toujours pour aider les élèves à mieux « apprendre à apprendre ».
4. MIEUX COMPRENDRE COMMENT LE CERVEAU SURMONTE DES RÉFLEXES DE LA PENSÉE
CONFÉRENCE DE GRÉGOIRE BORST
Les travaux de psychologie du raisonnement et de la prise de décision de ces dernières décennies ont souligné que le jugement humain pouvait être biaisé par des heuristiques intuitives, malgré nos capacités uniques de raisonnement. Sur le plan éducatif et sociétal, ce biais est un problème majeur que les cognitivistes se sont efforcés d'identifier. Des études comportementales, neuroscientifiques et développementales du LaPsyDÉ sont ici présentées pour faire le point sur les connaissances actuelles concernant la nature du biais de raisonnement, son lien avec le contrôle inhibiteur et son impact en éducation.
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Pourquoi est-il pertinent de surmonter les réflexes de la pensée?
Les réflexes de la pensée sont aussi appelés des automatismes de pensée. D’après la recherche, ce sont des processus de pensée qui permettent d’arriver très vite à une solution, et ainsi réduire le coût cognitif associé à la résolution d’une situation problématique. Cependant, ils ne sont pas toujours adaptés et mèneront parfois à commettre des erreurs. Ces automatismes sont développés dans des contextes particuliers et ne vont donc pas s’appliquer à d’autres. En conséquence, arriver à la bonne réponse supposera de parfois ne pas utiliser ses automatismes, ses réflexes de la pensée. Autrement dit, comme ils sont le plus souvent utiles, il est important d’en développer, mais ils ne s'avèrent pas toujours exacts. C’est pourquoi il semble aussi important d’apprendre à les surmonter.
Comment fait-on pour aider les élèves à surmonter les réflexes de la pensée?
Ils doivent apprendre à les inhiber. Grégoire Borst et son équipe présentent l’inhibition comme la capacité à surmonter ses automatismes. Cette inhibition permet, d’après les chercheurs, de freiner les automatismes de la pensée pour laisser le temps à un système plus réflexif d’intervenir. Une façon d’aider les élèves dans leurs apprentissages serait donc de développer leur inhibition. Certains laboratoires de recherche ont observé des résultats encourageants dans ce sens en travaillant la résistance cognitive des enfants de façon consciente. Par exemple, Grégoire Borst et son équipe ont utilisé la métacognition pour apprendre aux enfants à reconnaître les contextes difficiles où leurs automatismes peuvent leur jouer des tours. Le résultat observé est une meilleure capacité à inhiber leurs automatismes, à surmonter leurs réflexes de la pensée.
Quel est l’impact au niveau pédagogique de l’existence des réflexes de la pensée?
Grégoire Borst donne l’exemple de la façon dont un enseignant présente les informations dans un exercice, car elle peut avoir une incidence sur la performance des élèves à cause des réflexes de la pensée. Concrètement, récupérer une connaissance ou éviter un piège ne demanderait pas les mêmes ressources cognitives. Quand il faut éviter un piège, il faut inhiber les réflexes de la pensée. Or, la connaissance peut être acquise sans parvenir toutefois à éviter le piège. Le défi pour l’élève n’est pas le même quand il doit apprendre à éviter un piège. Le but de l’enseignant via les exercices ou évaluations ne devrait pas être le même non plus, selon qu’il désire évaluer l’acquisition de la connaissance en elle-même, ou la capacité à éviter les pièges qui sont liés à cette connaissance.
5. Neural correlates of Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD)
CONFÉRENCE DE LILACH SHALEV
Lilach Shalev nous présente les différentes facettes du trouble déficitaire de l’attention. Son travail de recherche sur ce sujet l’a amenée, avec son équipe, à développer un outil d’entraînement de l’attention, qu’elle nous présente dans cette conférence.
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Qu’est-ce qui caractérise les personnes ayant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité?
La recherche montre qu’il y a des différences structurelles et fonctionnelles au niveau cérébral chez une personne ayant un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité : leur cerveau est organisé différemment et fonctionne différemment. Cela se traduit par une variété de difficultés comportementales. Trois profils de difficultés ont été dégagés par la recherche :
1- le profil inattentionnel pour les personnes qui ont principalement des problèmes d’inattention (par exemple, faible attention aux détails, ne semble pas écouter quand on leur parle directement, facilement distrait);
2- le profil hyperactif/impulsif pour les personnes qui ont principalement des problèmes d’inhibition motrice (par exemple, qui ont la bougeotte, qui ont de la difficulté à jouer calmement, qui sont toujours prêtes à démarrer);
3- un profil qui combine les deux précédent.
Considérant les symptômes comportementaux énoncés, Lilach Shalev souligne que ces problèmes peuvent se trouver chez tout le monde à un certain degré. La spécificité des personnes ayant un trouble déficitaire de l’attention est que ces symptômes ont un impact fonctionnel, c'est-à-dire qu’ils nuisent à leur fonctionnement quotidien.
Quel est l’impact sur le plan scolaire?
En prenant le cas précis et omniprésent de la lecture silencieuse en classe, Lilach Shalev et son équipe ont observé que les élèves ayant une moins bonne attention soutenue avaient besoin de plus de temps pour lire et commettaient plus d’erreurs de lecture. Autrement dit, les élèves ayant un trouble déficitaire de l’attention avaient tendance à avoir plus de difficulté à profiter des moments de lecture silencieuse. Pour les chercheurs, leurs résultats amènent un constat supplémentaire : la lecture silencieuse semble difficile même pour des élèves qui n’ont pas de diagnostic de trouble déficitaire de l’attention, mais qui manifestent de moins bonnes performances en attention soutenue. Selon eux, cela suggère un besoin d’entraîner l’attention des élèves en général.
Lilach Shalev et son équipe ont développé un outil d’entraînement de l’attention. En quoi cela consiste-t-il et quels sont ses résultats?
Il s’agit du CPAT, pour Computerized Progressive Attentional Training, dont les premiers résultats positifs ont été publiés en 2007, suivis de plusieurs autres depuis. Lors du développement du CPAT, les chercheurs ont été très vigilants pour s'assurer de respecter les principes exigeants de l’entraînement cognitif, à savoir une pratique structurée et contrôlée, ajustée à chaque participant, avec une augmentation progressive du niveau de difficulté, et une rétroaction précise, personnalisée et temporellement ajustée. Tous ces critères visent à favoriser le maintien de la motivation et des efforts des participants. Cet outil informatisé d’entraînement de l’attention a été développé pour offrir une piste d’intervention dans le cadre de problèmes attentionnels chez l’enfant, comme le trouble déficitaire de l’attention. Les résultats sont encourageants : la compréhension en lecture, la rapidité d’écriture et l’inattention se sont améliorées suite à l’entraînement, suggérant que le CPAT permet d’améliorer les facultés attentionnels d’enfants ayant un déficit sur ces plans.
Quels sont les conseils qu’un enseignant pourrait donner à ses élèves pour contrer des problèmes d’attention, qu’ils aient un déficit ou non?
Lilach Shalev suggère quelques pistes d’adaptation du travail que chaque élève peut mettre en place :
- Prendre des pauses lorsqu’il est en phase de travail personnel, a fortiori si c’est un travail peu structuré;
- Diviser son travail en plusieurs parties et prendre des pauses entre chaque partie;
- Compléter les tâches passives et continues par des éléments de sens et des éléments concrets.
6. Expérimenter en classe : allers-retours entre la psychologie cognitive, la neuroéducation et l'école
CONFÉRENCE D'EMMANUEL AHR
Emmanuel Ahr et ses collaborateurs ont élaboré un guide nommé ÉVA pour les enseignants pour les accompagner dans leurs expérimentations pédagogiques et didactiques. À travers cette conférence, il nous en présente les fondements et l’utilisation.
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Comment un enseignant qui souhaite améliorer sa pratique peut savoir si ses choix sont efficaces?
Emmanuel Ahr a participé à l’élaboration d’un outil destiné aux enseignants qui vise à les guider dans un processus de comparaison des effets de leur pratique habituelle avec une nouvelle pratique. Basé sur un design expérimental prétest-intervention-posttest, ce guide permet une autoévaluation rigoureuse des pratiques enseignantes et de leurs effets sur les élèves. Ainsi, il devient plus aisé pour l’enseignant qui en suit toutes les étapes de savoir si les choix guidant sa nouvelle pratique sont efficaces.
Un enseignant déjà débordé peut-il vraiment inclure cette tâche supplémentaire dans son emploi du temps?
Lors de l’élaboration de l’outil, cette contrainte a été prise en compte. La mise en oeuvre d'une expérimentation pédagogique peut être relativement souple. L’enseignant peut, par exemple, expérimenter auprès de deux classes différentes et l’étaler sur deux années au besoin. Le processus de réflexion en amont ciblera les observations de l’enseignant au sujet d'un problème particulier, ses hypothèses sur les causes et la nouvelle pratique choisie. Ce n’est donc pas tant du travail concret en plus, qu’une mise sur papier de ce que l’enseignant avait déjà en tête. Les autres phases, comme l'élaboration de tests, peuvent exiger plus de temps. C’est pourquoi l’enseignant peut étaler son expérimentation pour alléger la charge de travail au quotidien.
Qu’est-ce que l’enseignant fait des résultats qu’il a obtenu lors de son expérimentation?
Emmanuel Ahr nous rappelle qu’il ne s’agit que d’un guide visant à accompagner les enseignants dans leur prise de décision pédagogique. Par conséquent, l’enseignant demeure maître de ses décisions, qu’elles aillent dans le sens des résultats ou non. Par exemple, il pourrait décider de rejeter une nouvelle pratique donnant de bons résultats s’il juge les coûts trop importants par rapport aux bénéfices, ou encore si une nouvelle idée de pratique ayant un plus grand potentiel lui est venue. Aussi, si les résultats sont défavorables envers la nouvelle pratique, l’enseignant aura un support de réflexion pour une nouvelle tentative, s’il le souhaite, jusqu'à ce qu'il trouve ce qui lui convient le mieux à lui et à ses élèves. Et dans tous les cas, il est suggéré que l'enseignant partage les résultats de ses expérimentations avec ses collègues.
7. Effets d’espacement et de répétition
CONFÉRENCE DE MARTIN RIOPEL
À travers l’identification d’une pratique reconnue efficace par la recherche, l’effet d’espacement et de répétition, Martin Riopel nous guide dans sa compréhension et sa mise en application.
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Qu’entend-on par effets d’espacement et de répétition?
Il s’agit de répartir dans le temps les apprentissages liés à un même contenu. La recherche montre qu’en faisant ainsi, on favorise une activation cérébrale similaire de séance en séance, alors qu’en groupant tout le contenu en une fois, l’activation cérébrale tend à diminuer. Sur le plan physiologique, ce besoin d’espacement peut être associé aux mécanismes biologiques de renforcement des connexions neuronales qui prennent du temps. Plusieurs études montrent que pratiquer l’espacement, et incidemment la répétition, a un effet bénéfique sur l’apprentissage : en bout de ligne, l’étudiant a plus appris et il manifeste plus de rétention à long terme. Martin Riopel précise que cet effet a été démontré à travers de nombreux domaines de compétence, pour des populations de différents âges, dans des contextes variés, pour des apprentissages simples comme complexes, et même chez les animaux. Tout cela tend à démontrer qu’il s’agirait d’un mécanisme fondamental du cerveau pour les apprentissages à long terme.
Concrètement, comment espace-t-on de manière efficace pour ses élèves?
Tout d’abord, le sommeil peut être considéré comme une période d’espacement. La recherche montre qu’il permet de consolider les apprentissages. Plusieurs études sont allées plus loin en tentant de définir un espacement optimal. Les résultats suggèrent qu’un espacement progressif est à privilégier, par rapport à un espacement régulier, essentiellement parce qu’il permet aux apprenants de vivre plus de succès pendant les apprentissages, et favorise ainsi la motivation. Une courbe d’espacement progressif des rappels dans le temps a démontré une certaine efficacité : 1, 4, 9, 16, 25, etc., qui signifie faire les répétitions après un jour, puis 4, puis 9, puis 16, etc.
En lien avec cette conférence, quels sont les conseils des chercheurs en éducation pour optimiser les apprentissages?
Martin Riopel fait quelques suggestions pratiques en accord avec ce principe d’espacement et de répétition, basées sur des résultats de recherche. Il suggère aux enseignants, par exemple, d’introduire au début de chaque leçon un bref rappel non exhaustif de la leçon précédente pour raviver les apprentissages. Il propose aussi d’utiliser les devoirs comme outil de réactivation des apprentissages déjà réalisés, et non pour apprendre du nouveau contenu. Il propose encore notamment d’éviter les cours intensifs, parce que la capacité développée dans le cours le sera probablement à court terme seulement.
8. La régulation du comportement et des émotions pendant l’adolescence
CONFÉRENCE D'IROISE DUMONTHEIL
Iroise Dumontheil aborde le vaste sujet de l’adolescence et de son impact sur la scolarité. Elle nous présente ce qui fait la spécificité des adolescents au niveau cognitif et émotionnel, et les effets que cela peut avoir au niveau comportemental.
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Pourquoi la régulation des comportements et des émotions à l’adolescence est-elle si différente?
Iroise Dumontheil explique que nous n’avons pas aujourd’hui une réponse unique et claire à cette question. Cependant, la recherche apporte plusieurs éléments pour tenter de mieux comprendre ce phénomène. Par exemple, le contrôle cognitif n’atteindrait son plateau qu’entre 20 et 25 ans. Cela suggère donc que les adolescents auraient moins de contrôle cognitif que les adultes, soit la capacité à adaptater leur comportement de manière flexible pour atteindre un but interne en coordonnant l’ensemble de leurs processus cognitifs. Parallèlement, des chercheurs ont constaté que l’amygdale des adolescents, région centrale dans le traitement des émotions, était plus active que celle des enfants et des adultes lorsqu’ils sont confrontés à des stimuli émotionnels. De façon complémentaire, la recherche montre qu’à l’adolescence, les régions impliquées dans le traitement des émotions sont déjà matures, alors que celles impliquées dans le contrôle cognitif ne le sont pas encore, suggérant un plus grand impact des premières sur le comportement. En somme, le développement et le fonctionnement cérébral à l’adolescence pourraient être des facteurs importants dans la façon dont les adolescents régulent leurs comportements et leurs émotions.
Il est fréquent de parler de l’influence des pairs à l’adolescence. En quoi consiste-t-elle?
Iroise Dumontheil aborde deux aspects de l’influence des pairs. Tout d’abord elle relève qu’elle peut être positive comme négative. Par exemple, fréquenter des élèves qui ont de bons résultats scolaires peut avoir un impact positif sur les résultats scolaires, tout comme sur la motivation. Ensuite, Iroise Dumontheil explore le lien entre l’influence des pairs et la prise de risques. La recherche montre que la prise de risques n’est pas en soi une caractéristique de l’adolescence. Autrement dit, les adolescents sont capables de contrôle cognitif efficace. Cependant, la seule présence des pairs, donc même en l’absence d’interaction entre les adolescents, tend à mener à une plus grande prise de risques. Cela s’expliquerait par la peur de l’exclusion sociale, qui serait plus importante chez les adolescents, via son fort effet sur l’humeur. D’ailleurs, la recherche a montré que, pendant l’adolescence, l’activation dans les régions de la régulation émotionnelle et du contrôle cognitif serait associée à une moindre résistance à l’influence des pairs.
Existe-t-il des moyens d’accompagner les adolescents dans cette phase sensible?
Les chercheurs ont étudié différents types d’interventions, sur différents objets. À l’heure actuelle, les résultats sont mitigés et variables. Autrement dit, il existe quantité d’interventions donnant des résultats positifs, mais qui ne sont pas forcément répliqués par de nouvelles équipes de recherche. En conséquence, bien des interventions pourraient être efficaces, mais il faut encore déterminer leurs facteurs d’efficacité. Ceci étant dit, bien qu’aucun type d’intervention ne puisse être reconnu comme la plus efficace, chercher à développer les habiletés sociales et personnelles des adolescents semblent donner de bons résultats.